Publikation Afrika - International / Transnational Vol des terres: les règles du jeu

L’économie politique de l’accaparement des terres en Afrique de l’Ouest. Textes des référence 2/2011 par Benjamin Luig.

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Autor

Benjamin Luig,

Erschienen

Februar 2011

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Ce n’est pas un hasard si la question de l’accaparement des terres (land grabbing en anglais) est sur toutes les lèvres. Ne serait-ce qu’au cours des quatre dernières années, près de 400 investissements fonciers sur de grandes superficies ont été réalisés dans plus de 80 pays. Les terres sont devenues subitement un placement stratégique. On considère que la ruée sur les terres des investisseurs privés et publics est le résultat de la convergence de différentes crises fondamentales. Premièrement, la crise climatique a entraîné une forte augmentation de la demande en produits de plantation tels que le bioéthanol et le biodiesel considérés comme des ressources énergétiques prétendument sans incidence sur le climat. Deuxièmement, la crise des prix alimentaires de 2007/2008 a agi comme un révélateur de la dépendance d’un grand nombre de pays émergents et de puissances régionales à forts capitaux vis-à-vis des marchés du maïs, du blé, du riz, du soja et de la viande. En raison de leur pénurie de sols fertiles, ces États essayent de produire en marge du marché mondial des denrées de base destinées à leur propre consommation sur des sols étrangers. Troisièmement, la crise financière a incité les investisseurs à chercher des opportunités de placement nouvelles et pérennes pour leurs capitaux excédentaires. Ils misent de plus en plus sur la production «verte» de matières premières, et spéculent sur l’augmentation des prix de la terre. La valorisation nouvelle des terres agricoles par les grands groupes est censée endiguer cette triple crise.

Cependant, cette opération s’effectue aux dépens d’un des groupes les plus touchés par les crises climatique et alimentaire: les paysannes et paysans pauvres en terres qui dans de nombreuses régions du monde sont les garants de la sécurité alimentaire. Suite à ces grands investissements, ils risquent de perdre ce qui constitue leur capital principal et leur protection sociale, à savoir leurs terres. Le phénomène d’accaparement des terres doit donc être compris comme une nouvelle forme agressive de «traduction dans l’espace des conflits sociaux». Au-delà de la convergence de ces trois crises, qui est responsable de l’explosion de la demande ces dernières années, la politique qui a créé en amont l’offre de terres demeure jusqu’à présent peu connue. Deux éléments ont joué un rôle majeur au sein de cette politique: d’un côté les intérêts des élites locales, qui ont profité de la vente des terres, et de l’autre un ensemble de mesures et de technologies qui ont permis aux investisseurs étrangers d’accéder à ces terres et de les exploiter de manière rentable. Pour comprendre ces mécanismes, il est important de se concentrer sur une région précise. Avec le Sud-Est asiatique, l’Europe de l’Est et l’Afrique de l’Est, l’Afrique de l’Ouest représente l’un des «points chauds» de l’accaparement des terres. L’exemple de cette région montre que l’on n’est pas seulement confronté à des cas isolés d’expulsion, mais que l’appropriation de vastes surfaces de terres ne constitue que le point culminant d’une politique des sols et d’un régime d’investissement qui discriminent systématiquement la grande majorité des populations rurales. Les transactions réalisées en Afrique de l’Ouest sont motivées toutefois par deux modèles d’investissement bien distincts.

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Benjamin Luig travaille comme agent contractuel pour la Fondation Rosa Luxemburg dans l'Academie pour l'Education Politique. Il est engagé dans l'organisation de droits de l'homme FIAN.