L’Union européenne est bouleversée – non pas par l’enthousiasme, mais plutôt par les soucis, l’inquiétude et le désarroi. Nombreux sont ceux qui doutent que le capitalisme réel soit dans le vrai simplement parce qu’il est sorti vainqueur de la concurrence idéologique, et que les élites économico-financières et politiques soient capables de mettre un terme à la crise financière et de surmonter la crise de la dette des pays européens.
LE LANGAGE DES MARCHÉS
Les hommes politiques se sentent à la merci du «langage des marchés.» Lorsque le responsable de l’enquête sur la crise bancaire au Sénat américain pose la question suivante à un ancien banquier: «Vous arrivez à trouver le sommeil quand vous pensez à ce que vous avez causé?», sa réponse est la suivante: «Nous ne sommes pas responsables, vraiment pas. Sorry for that.» Et son collègue de préciser: «Tant qu’il y a de la musique, tu dois danser. C’est quand elle s’arrête que tu as un problème.» Josef Ackermann interprète ainsi cette déclaration: d’une manière ou d’une autre, nous sommes tous les pantins du marché. Hans Tietmeyer, l’ancien président de la Bundesbank, entreprend de donner l’explication suivante lors d’une discussion avec un évêque allemand: les règles du marché sont comparables aux lois de la nature. Tout comme l’eau ne coule pas vers le sommet de la montagne, les fonctions de la concurrence économique ne peuvent être révoquées par des homélies ou des décisions parlementaires.
Or, les règles de fonctionnement et les mécanismes des marchés ne sont ni un tsunami, ni un tremblement de terre. De même, les systèmes économiques, politiques et techniques sont issus de décisions humaines, mêmes s’ils ont entre temps perdu de vue leurs desseins ou vont même à leur encontre. Aussi, ces systèmes peuvent être corrigés et modelés par les hommes.
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Friedhelm Hengsbach SJ est jésuite et compte parmi les spécialistes de l’éthique sociale les plus connus d’Allemagne. Jusqu’à son départ à la retraite en 2005, il était professeur de sciences sociales chrétiennes et d’éthique économique et sociale à l’École supérieure de philosophie et de théologie Saint Georges à Francfort- sur-le-Main. De 1992 à 2006, il a dirigé l’Institut Nell Breuning d’éthique économique et sociale.